Il y a 125 ans (suite) juin 1884
Description de la localité St-janvier de Weedon par monsieur Lachance
Le 5 juin 1884, on lit dans le journal Le Pionnier, ce rapport d’un monsieur Lachance ainsi formulé. Étant donné que ce témoignage nous vient d’une personne extérieure à la municipalité, je crois qu’il a une certaine importance et qu’il confirme la véracité des observations déjà connues sur le milieu.
Carnet de notre agent monsieur Lachance.
« J’ai visité St-Janvier de Weedon et St-Olivier de Garthby, deux localités du comté de Wolfe diocèse de Sherbrooke, sises respectivement dans les cantons de Weedon et de Garthby.
Je commencerai par St-Janvier de Weedon où je me trouvais dans les derniers jours du mois que la catholicité consacre à notre Bonne Mère Marie, et où j’ai pu assister aux exercices spéciaux qu’a organisés dans sa paroisse le digne et vénéré curé, le révérend monsieur Brassard. J’ai été réellement édifié dans ce charmant village, aux exercices du mois de Marie, il y avait une foule recueillie, une musique adorable organisée par Mademoiselle Côté qui accompagne le chant avec un talent réel et tire de l’orgue d’harmonieux accords, un sermon de circonstance dit avec l’éloquence persuasive bien connue du Révérend curé. Vraiment, ces exercices pieux allaient droit à l’âme et m’ont profondément touché. Le jour de la fête de l’Ascension, outre la fête religieuse qui a été célébrée avec une pompe digne de localités bien plus importantes, j’ai admiré une illumination de l’autel, comme je n’en ai jamais vue même dans nos grandes villes.
Cela dit, je vais tâcher de faire connaître de mon mieux aux lecteurs du Pionnier la très intéressante paroisse de St-Janvier de Weedon. À tout seigneur tout honneur, c’est pourquoi je commence par vous présenter les autorités ecclésiastiques, le révérend curé monsieur Philémon Brassard et son zélé vicaire le révérend monsieur Daniel Philippe McMenamin. Je ne dirai rien de ces messieurs. Pour faire un éloge digne d’eux, je me verrais obligé de blesser l’humilité de ces dignes prêtres.
La paroisse possède une belle église en briques mesurant 115 pieds de longueur sur 50 de largeur, un très confortable presbytère de 40 pieds sur 36 de dimension, comprenant une cuisine de 20 par 20 à deux étages, le tout construit en bois. L’ameublement de l’église sans être somptueux ou très remarquable est complet et répond à tous les besoins.
Les catholiques sont en majorité dans la localité avec 328 familles et 1 910 âmes, dont 1 110 à l’âge de communion, contre 16 familles protestantes, avec environ 2 000 habitants.
Quant au conseil municipal, il est composé du maire : monsieur Charles Tanguay, des 6 conseillers : messieurs Joseph Bourque, Justinien Benoît, Louis Després, Eusèbe Brodeur, Tréflé Desmarais et François Baillargeon, tous canadiens-français. Pour compléter la nomenclature des personnes faisant partie de l’administration municipale, je citerai monsieur N.-P. Blanchet encore un canadien-français qui remplit les importantes fonctions de secrétaire-trésorier à la satisfaction générale.
J’en arrive maintenant à l’historique de cette municipalité. En 1842, feu Germain Biron, originaire de Baie-du-Febvre, et depuis quelque temps établi à Westbury, vient s’établir ici à une quinzaine d’arpents environ de l’endroit où s’élève aujourd’hui l’église. Peu après, quatre familles venant de Ste-Rosalie, comté de Bagot, diocèse de St-Hyacinthe, et dont les chefs sont morts aujourd’hui, vinrent s’établir auprès de monsieur Biron. Ces hardis pionniers dont les noms méritent bien d’être connus s’appelaient Jos. Lisée, Bienvenue (Fontaine), Michel Fortin et Pierre Després. Honneur à ces cinq vaillants conquérants qui ont remporté de pacifiques victoires sur la forêt. Treize ans après, le 6 août 1855, la jeune colonie devenait une municipalité distincte et 7 ans après, elle recevait son premier curé feu le révérend Cléophas Gouin qui arriva au milieu de ces hommes courageux en 1862.
Je passe maintenant au sol. La municipalité a une étendue de 25 200 acres dont la moitié environ est sous culture, et, ici comme dans presque toutes nos paroisses des Cantons de l’Est, le foin forme la base de la culture. Cependant, les grains, les légumes ne sont pas négligés. Il y a encore environ 10 000 acres de terre appartenant à la compagnie des terres, et dont le prix varie de 3 $ à 5 $, tandis que le gouvernement vend ce qui lui reste de terres dans les environs de 0,60 $ l’acre. Le prix de la propriété, en partie défrichée, mais non bâtie, varie de 10 $ et 15 $ l’acre tandis que la propriété bâtie se vend régulièrement 5 $ de plus l’acre. Le rôle d’évaluation s’élève à 170 994 $. Les taxes de chemin de fer montent à 1 500 $, celles des chemins ordinaires à 2 548 $, celles des dépenses générales à 8 847 $ et enfin celles des écoles à 1 595 $; à propos de ces dernières, la municipalité en compte neuf dont le fonctionnement ne laisse rien à désirer. Dans ces dernières années, la population s’est accrue de 366 âmes, et pendant la même période on a ouvert 4 à 5 milles de nouveaux chemins. Le nombre des électeurs parlementaires est de 311.
Pour compléter ces renseignements, je dirai qu’il se fait ici un grand commerce de bois, grains, foin et écorce de pruche, que le chemin de fer, le Québec Central traverse cette riche localité dans toute sa longueur, qu’on compte quatre scieries dont deux à vapeur, deux moulins à farine et enfin un à carder et à presser les étoffes, qu’il y a douze magasins dont un de liqueurs, trois hôtels et deux maisons de pension, qu’on peut y expédier et recevoir sa correspondance journellement. Je pense que vous aurez une idée exacte de la municipalité de Weedon. »