Avant la venue de la télévision nos ancêtres savaient aussi se divertir.
Une activité qui a sans doute frappé l’imaginaire des jeunes, était la venue quasi annuelle de l’amuseur public avec son ours. Deux dames de Weedon qui seraient aujourd’hui plus que centenaires en font mention dans leurs mémoires. Voici donc des extraits de ces écrits.
Visite annuelle de l’ourse apprivoisée
Vous souvient-il, il y a soixante ans, de recevoir un gros bonhomme accompagné de son ourse ? Je me souviens très bien de cela. À la mi-octobre, ordinairement tous les enfants du village et de la campagne étaient réunis dans leur école respective.
Attentifs à leurs devoirs, ils furent brusquement tirés de leurs livres par un toc-toc bruyant fait à la porte. L’institutrice s’empressant d’ouvrir vit un gros homme barbu. Celui-ci lui dit : « J’ai un spectacle à vous faire voir, vous et vos élèves; il faut cependant payer 0.50 cents pour tout le monde ». Devant l’impossibilité de ramasser ce montant, la maîtresse d’école devait refuser. Lorsque le bon curé, demeurant en face de l’école arriva en courant dit : « C’est moi qui paierai Monsieur ». Tous heureux, en rang, nous sortîmes dehors.
Je me souviens qu’une fois, une petite fille faillit perdre conscience tant la peur fut grande en apercevant l’ourse. On la transporta à l’intérieur et le spectacle commença à l’extérieur. L’ourse, puisque c’était une femelle muselée, surnommée Marie-Louise par son maître, reçut les ordres et conseils voulus. Une grosse voix cria : « Un salut pour tous », et au son de la musique à bouche, un autre cri : « Danse, danse Marie-Louise », ce qui fut dit, fut fait. Le clou du spectacle c’était : « Grimpe dans le poteau », que c’était excitant à voir!
Si les adultes du village se joignaient aux élèves, le chapeau passait pour récolter quelques sous. Et c’est ainsi que d’un petit village à un autre, l’homme et son ourse venaient distraire jeunes et vieux.
Antoinette Leblanc, institutrice
Une autre dame raconte ses souvenirs
Ceci se passait probablement dans l’automne 1915, j’aurais eu 12 ans.
Un jour à la porte de l’église, après la messe, il est annoncé que dans le cours de la semaine, il y aurait sur la route nationale une visite plutôt étrange, avertissant la population qu’il n’y avait aucun danger, mais qu’un certain Monsieur ferait le passage avec un ours dompté et sans malice.
Il était recommandé que les familles se réunissent en groupe chez un particulier où il y aurait une devanture de maison assez large pour que tous s’y installent, mais sans faire de bruit. L’emplacement choisi fut chez mes parents là où demeurent aujourd’hui Jean-Noël et Pauline Fontaine.
De fait, un certain soir, nous voyons venir de loin cet homme dompteur d’ours, à pied, avec son ours. J’avais une peur terrible des ours; alors, je restais loin sur la galerie au cas où! Tout ce passa dans l’ordre; le monsieur qui ne parlait presque pas le français demande : « Y a-t-il parmi vous quelqu’un qui parle anglais? »
Papa s’avance, le monsieur lui dit : « Viens ici, alors, je vais t’expliquer ce que je vais faire et ce que vous devez faire », ce qui fut dit fut fait.
Il présente son ours,… qui salue… et la foule fait de même mais sans bruit. Le monsieur commence à chanter une chanson anglaise, bien sûr, l’ours se dandine, se fait aller la tête comme pour suivre l’accord. Après quelques chansons, il demande à son ours : « Salue la foule et applaudis ». À ce moment, il se met à applaudir avec ses pattes de devant, car il était debout sur ses pattes arrières.
« Aimeriez-vous qu’il danse pour vous? » Tous dirent oui. Monsieur lui parle à l’oreille et commence à chanter; l’ours se lève debout et suit l’accord encore une fois. La foule applaudit. Mais le clou fut lorsqu’il dit que son ours savait danser. « Voulez-vous le voir? » Oui, répondirent les spectateurs.
Il commence à chanter sur l’air de Marie-Jeanne Chamberland; « Voulez-vous danser » (que tous savaient dans le temps). La foule suivait l’accord en tapant des mains. L’ours sur ses pattes arrières, donc debout, dansait tout en tournant comme s’il savait valser.
C’était si beau de voir le tout, que tous étaient sous le charme. Tout à coup, le dompteur chante « J’ai des choux, des patates à vendre, cache ton cul la police va te prendre, la… la… la… », l’ours s’assoit, comme s’il avait compris.
Après, la foule applaudit de nouveau et l’ours donne la patte à son maître et salue comme pour remercier. Papa, à ce moment, passa le chapeau pour remercier ce monsieur et son ours. Ce fut une démonstration que personne, jeunes ou vieux, n’avons oubliée, je crois. Quant à moi, je revois ces souvenirs avec nostalgie; c’est loin tout ça.
Yvonne Fontaine, spectatrice
Voici un extrait des minutes de l’assemblée du Conseil municipal de Weedon, en février 1986, en relation avec les amuseurs publics, sous la responsabilité de : Simon Bourque, Joseph Harpin, Joseph Tisdel, Joseph Després, N.H. Beaudry, M. A. Lemieux et Napoléon Tanguay, maire.
Attendu que la municipalité est envahie par un grand nombre de colporteurs étrangers qui viennent enlever l’argent de la localité, souvent en fraudant la population, en lui vendant des effets déguisés, fardés et sans valeur, à des prix considérables après avoir quémandé les gens jusqu’à ce qu’ils les aient convaincus.
Attendu qu’il est urgent de sauvegarder la population contre ces étrangers colporteurs, faiseurs de cirques ou représentations, qui sont de vraies plaies publiques pour la localité. Qu’une taxe de cinquante piastres par année soit imposée à chaque colporteur monteur de représentations, marchand ambulant étranger à la municipalité, qui voudra venir exercer son industrie dans la municipalité, soit en passant ou pour quelques jours, ladite taxe devant être versée dans le coffre de la municipalité pour son utilité générale.
Qu’une ou plusieurs personnes soient nommées par le conseil pour faire exécuter le présent règlement et que ladite charge dure selon le bon plaisir du conseil.
Municipalité de Weedon
Source : Société d’Histoire de Weedon